Last updated on avril 19, 2018
Si la Grande île est appelée le pays du « moramora », cette périphrase équivoque dissimule pourtant des engrenages bien huilés qui contribuent à enliser le pays dans la pauvreté de diverses manières.
Madagascar, pays de la facilité
Initié par le « fihavanana » et renforcé par la corruption, la spécificité de la Grande île est que tout y est permis au vu et au su de tout le monde. Un exemple simplissime : il suffit de sortir dans la rue et de regarder tous les marchands qui la bordent. Il faut bien constater que nous baignons dans le secteur informel. Et si personne ne suit les normes, gare à ceux qui sanctionnent. Car une manifestation populaire retentissante au nom de la lutte contre l’oppression des « vahoaka madinika » s’en suivrait à coup sûr.
Rappelons, de surcroît, que le Malagasy est tout gentil et vit au service des autres. Il ne sanctionne pas par peur des réprimandes et cherche toujours des solutions alternatives, des arrangements à l’amiable, se soldant innocemment par l’échange tout à fait amicale de quelques billets verts, jaunes, bleus… Enfin bref, arc-en-ciel.

Des lois, nous en avons mais elles ne sont pas appliquées, du moins, pas les bonnes. En d’autres termes, nous laissons notre dignité nationale se faire marcher dessus pour de l’argent et la plupart du temps, à l’œil. Et cela pour ne pas déplaire à la société. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas très efficace.
Madagascar, pays de la lenteur
Dans la vie de tous les jours, les Malagasy y vont « despacito ». En effet, ce n’est pas la ponctualité qui nous étouffe, une habitude que l’on associe à l’expression « fotoan-gasy ». Et ce n’est pas si étonnant lorsque l’on pense à tout le temps perdu dans les bouchons. Une distance qui prendrait un quart d’heure dans d’autres pays, avec de meilleures infrastructures routières, prend trois plombes dans la capitale de Madagascar. Ajoutez à cela le « hakamoana » et vous obtenez un bon cocktail de retard et d’excuses, le tout agrémenté d’un zeste de « tout le monde le fait ».
Cette habitude est des plus contre-productives car comme le disent les anglais, le temps c’est de l’argent. Mais visiblement, les Malagasy ne voient aucune objection à balancer leur fric par les fenêtres et ensuite, à se plaindre d’être pauvres. La conséquence quotidienne de ces embouteillages monstres : un rendement dérisoire et des journées passées dans la chaleur suffocante de l’air pollué par les véhicules et les passants ; sans oublier cette humeur massacrante qui nous fait maudire ciel, terre et le président de la République.
Madagascar, pays du bon marché
En outre, le marchandage fait partie intégrante de la culture Malagasy, une habitude qui installe de plus belle, le réflexe de chercher des compromis dans tout. Oui, tous les facteurs sont liés entre eux, histoire de rendre le changement de mentalité bien ardu. Mais également, tout est à un prix dérisoire, à commencer par les salaires des Malagasy. Cette maigre paye servira ensuite à acheter autant que possible, ne laissant pas place à l’exigence de la qualité et de la nouveauté.
En effet, les marchés textiles, automobiles, et tout ce qui n’est pas alimentaire (encore heureux) sont inondés par les produits de seconde main : occasions et friperies. A Madagascar, tout est soit de seconde main, soit de provenance chinoise (ces produits Made in China de si basse qualité qu’ils ne passent que les douanes des pays les plus pauvres) et parfois même les deux.
Comment espérer se considérer l’égal des autres pays lorsque l’on passe sa vie à utiliser ce dont ils n’ont plus besoin ? Là encore, un complexe d’infériorité qui s’installe insidieusement dans notre subconscient. Quand on passe sa vie à acheter ce qu’il y a de moins cher, il est difficile de se donner soi-même de la valeur.
En somme, le « moramora » est une dévaluation de tout, des normes et des lois, du temps, de la main d’œuvre Malagasy, de la vie au quotidien. Par le « moramora », les Malagasy perdent de leur estime de soi et méprise leur propre valeur de mille et une façons. Mais réciproquement, il y a mille et une façons de le combattre, en ajoutant un effort de rigueur au système mais également au quotidien.